Il fait toujours aussi chaud. En tout cas, hier. Une chaleur sèche. Collante. Inéluctable. Personne n’est épargné. Une chaleur implacable. Le soleil semble avoir été cloué dans le ciel, tout juste bon à brûler tout ce qui est en-dessous. Mais, par la force de la persuasion dont je suis capable, dans ma tête, je me dis qu’il fait froid. Qu’il neige ou qu’il a neigé. Des flocons invisibles tombent sur moi et quand je transpire, ce sont des micro-glaçons qui me coulent dans la nuque ou sous les aisselles. Mais parfois, la chaleur fait tout fondre et je me retrouvé trempé de mes propres sueurs. Tièdes. Désagréables. Alors que moi, je ne rêve que de frissons. Je fantasme sur des chairs de poule. Et sur ces frémissements quand on sent qu’il fait frais, à la fin de l’automne qui annonce l’hiver. Saison attendue.
Mais ce matin encore, la ville pue la chaleur. Ça sent les tuyaux chauds, l’asphalte qui a commencé à fondre. Le béton suinte partout. Les murs respirent le feu de la veille. J’aimerais tant entendre le crissement de mes pas dans la neige, voir la buée qui sort de ma bouche quand j’expire et faire des dessins dans le givre qui recouvre les vitres. Non, ma gorge est déjà sèche. Ma peau est déjà moite. Mes draps étaient humides quand je me suis levé et je n’avais pourtant pas fait pipi dans mon lit. C’est tout juste si respirer ne demande pas un effort insurmontable. Et je me dis que si seulement il y avait une bonne bise, bien froide. Un vent qui vous pince, qui vous mordille, qui vous fait regretter l’été passé. J’ai juste envie, j’ai juste besoin de fraîcheur. De modération. Je n’aime décidément pas les extrêmes.
Le ventilateur du séjour tourne, je l’ai allumé en me levant. Tout comme celui de mon bureau. Celui de la chambre a tourné toute la nuit. Silencieusement. Ça brasse de l’air, souvent tiède, malheureusement. Juste une illusion. Une utopie. Sauf que moi, dans ma tête, je suis en Alaska, je suis retourné en Sibérie (la première et dernière fois, c’était il y a pile 40 ans). Je suis au Groenland, plutôt. Je découpe des blocs de glace pour passer le temps. Je m’enfouis dans des peaux de bête pour ne pas avoir trop froid. J’écoute le silence blanc. Toc, toc, toc. Quelqu’un frappe. Un ours polaire ? Non, c’est le soleil qui tape. Encore, encore et encore. Sans fin. Sans vergogne. Épuisant. Mais à sa chaleur étouffante, je préfèrerais tant celle d’un feu à l’âtre et d’une soupe fumante. Non, là, je me consume.