Mais vraiment, je ne te comprends pas. Tu as absolument voulu refaire ton testament hier parce que tu avais rendez-vous chez le notaire aujourd’hui et parce que si tu mourais pendant la nuit, tu voulais au moins être à jour mais tu vois, ce matin, tu es encore vivant et donc, quand je pense à tout ce stress d’hier, tout ce travail pour rédiger un testament holographe de 3 pages, avec ton écriture de plus en plus petite hachée et en n’étant même pas capable de faire des phrases droites, non, vraiment, ce n’était pas la peine de faire autant d’histoires pour si peu. De toute façon, je ne sais pas ce que tu en penses mais avec tout ce que tu paies comme impôts, sans oublier l’IFI, je pense que tu pourrais au moins demander à ce que tes héritiers obtiennent une ristourne, non ? Quand je pense que le Fisc ne t’envoie même pas une carte de vœux, chaque début d’année, en remerciement…
Bon, alors, cette nuit t’a porté conseil ? Tu es vraiment d’accord avec tout ce que tu as écrit hier, pour ton testament. Tu es sûr que tu ne veux pas revenir dessus ? Parce que moi, je trouve que donner la majorité de tes biens à une fondation, c’est super gentil mais tu sais, près de toi, il y a des gens qui te sont fidèles depuis des années. Et quand je dis des gens, je pense à une personne en particulier. Si tu vois ce que je veux dire. Parce que tu sais, hier soir, je n’ai pas voulu t’interrompre mais je pense que tu aurais pu avoir un geste envers moi. Oui, je sais, tu m’as proposé de boire un apéritif quand tu as eu fini mais ce n’est pas à ça que je pensais. Tu pourrais au moins reconnaître que depuis bien des années, je suis à la fois ton meilleur ami, ton auxiliaire de vie et ton héritier spirituel putatif. Et quand je parle de spirituel, je parle surtout de moi, tu es d’accord avec ça ?
Tu vois, par exemple, ce matin encore, je suis venu te réveiller pour savoir si tu avais bien dormi, pour savoir si tu n’avais mal nulle part et si tu te sentais plutôt bien que mal. Il n’y a que moi qui fais ça pour toi. Tu me l’as d’ailleurs souvent dit : tu es gentil, toi, si tu n’étais pas là… Eh bien, tu vois, je suis là, ce matin, comme tous les matins depuis des années et des années. Et te mettre des gouttes dans les yeux. Et te préparer ton petit déjeuner. Et tout ça, et tout ça… Alors vraiment, ça m’aurait fait vraiment plaisir, que tu penses à moi pour hériter d’un ou deux trucs. Non ? Tu ne me réponds pas ? Tu sais, tu peux fermer les yeux, si tu veux que les gouttes que je t’ai mises fassent leur effet. Eh, tu peux fermer les yeux, maintenant ? Eh, tu m’écoutes ? Dis, tu m’entends ? Ah bon, finalement, tu es mort ? Pfff, quand je pense que tu as failli me laisser quelque chose… En fait, tu n’as pas de cœur.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire