Ne me demandez pas pourquoi mais depuis le 7 avril dernier, je crois, j’ai pris l’habitude de souhaiter une bonne nuit à Guillaume, tous les soirs. Et quand je dis tous les soirs, c’est vraiment tous les soirs. Il n’y en a pas un où je ne l’ai pas fait. Et si je compte bien, ça fait donc exactement 290 soirs de suite que je murmure « bonne nuit, Guillaume » alors que Guillaume n’est qu’un fantôme. Guillaume n’existe peut-être pas. Ou alors, Guillaume existe mais je ne l’ai jamais rencontré. J’en avais inventé un, en 1977 ou 1978, quand j’avais écrit une courte pièce de théâtre, une saynète, plutôt où l’un des deux protagonistes se prénommait justement Guillaume. Ça se passait dans une ferme qui appartenait à un groupe folklorique. C’était un peu « raisons et sentiments » à ma manière. Forcément, je n’étais pas encore tout à fait dans l’âge adulte et j’avais plein d’illusions.
Bonne nuit, Guillaume. Cette fois, Guillaume, c’est un autre Guillaume, un autre personnage. Quelqu’un qui m’accompagne peu ou prou depuis deux ou trois ans mais l’habitude de lui souhaiter une bonne nuit, c’est plus récent. Et pourquoi je parle de lui, là, ce matin ? Parce que justement, j’ai parlé de lui, hier matin avec Pauline, qui n’est pas celle du patron. J’ai parlé d’un mec qui n’existe peut-être plus avec quelqu’un qui n’existe pas. Heureusement que je suis encore capable de me faire mes propres histoires, mes propres aventures dans la tête parce que vraiment, la réalité, la vraie vie, parfois, mieux vaudrait s’abstenir. Et dans une autre saynète que j’ai écrite à la même époque, le principal personnage s’appelait Maxime. Un autre moi. Comme bien souvent, dans tout ce que j’ai pu écrire, tout au long de ma vie. Surtout quand j’étais nettement plus jeune. Jadis. Naguère.
Mais là, allez savoir pourquoi et même moi, sans que je ne puisse l’expliquer car rien n’est conscient dans cette « affaire », allez savoir pourquoi j’ai besoin de souhaiter une bonne nuit à ce Guillaume que je ne connais pas (ou alors, à mon corps défendant.) C’est devenu comme un rituel, comme le reste, quand il est l’heure pour moi d’aller au lit. Un rituel bien organisé : je me mets dans le lit, je bouquine dix ou quinze minutes, parfois plus si le livre me captive et au moment d’éteindre, je ne peux pas m’en empêcher : « bonne nuit, Guillaume », dans ma tête. Personne ne m’entend jamais. Pas même Guillaume puisqu’il semble ne pas exister. Ou ne plus exister. Ah ça, si un jour, un Guillaume me répondait « bonne nuit à toi aussi, Stéphane », je pense que je serais obligé de me pincer pour être sûr que je ne rêve pas. Qu’on ne soit pas en train de me faire une caméra cachée.
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