Ah, ‘choisir’, ce verbe du deuxième groupe, ce qui en soit est déjà presque rare. Comme un élève qui lit les consignes quand on lui en donne. Deuxième groupe, ce qui signifie qu’il se termine en ‘ir’ mais pas que. En effet, à la deuxième personne du pluriel, il se finit en ‘issons’ comme les calissons d’Aix. Je sais, c’est un détail mais moi, quelque part, je vis pour ce genre de détails. Enfin, disons plutôt que je survis pour ce genre de détails. Je choisis, tu choisis, il choisit. Jusque-là, tout va bien. Et puis arrive la fameuse deuxième personne du pluriel, ce qui donne ‘nous choisissons’ sauf que là, étrangement, beaucoup d’élèves écrivent ‘choisissont’, avec un ‘t’. Et ensuite, ça s’empire avec ‘vous choisissez’, car souvent, ils me mettent ‘choisissé’ ou ‘choisissaient’, à croire que le présent de l’indicatif s’est perdu dans les Anges de la Téléréalité ou dans les méandres des vidéos non choisies sur Tik Tok.
Pourtant, en tant que professeur de français dans un collège sans histoires, j’ai tout essayé : faire cours en rap, en mime (je vous l’accorde, apprendre la conjugaison en mime, c’est un concept) voire en origami (là, encore, il faut de la volonté pour y parvenir) mais non, rien n’y fait, jamais. Un jour, j’ai même eu ‘nous choisîmes’ dans une phrase au présent. Sur le coup, j’étais ébaubi de voir que l’élève connaissait le passé simple voire qu’il tentait de me provoquer mais non, il a trouvé ça normal voire poétique. Je ne vous cache pas que j’ai versé quelques larmes en corrigeant sa copie. Surtout qu’avec eux, je ne suis jamais au bout de mes mauvaises surprises. Tenez, le passé composé, par exemple. Le minimum, c’est de savoir que c’est ‘j’ai choisi’. Simple. Basique. Mais eux, ils me sortent ‘j’ai choisis’ parce que ça fait plus fini, avec un ‘s’. Peut-on alors parler d’orthographe émotionnelle ?
Et quand arrive le moment du conditionnel, je ne vous dis pas, j’en attrape des sueurs froides. Ils ne savent jamais s’il faut écrire ‘je choisirais’ ou ‘je choisirai’. Ils jouent la réponse à la roulette russe. 50% de chance de tomber juste. Mais malgré tout, j’insiste parce que j’ai choisi ce métier. J’ai choisi de leur apprendre notre belle langue, le français. Parce que leur apprendre à conjuguer le verbe choisir, c’est déjà leur apprendre à faire des choix. Et faire des choix, c’est le début de la liberté quand on a leur âge. Et même le reste de notre vie. Je n’imagine même pas qu’ils puissent avoir la moyenne au brevet, je ne suis pas utopiste. Moi, je vous le redis, j’ai choisi le professorat car c’est une vraie mission, une vocation. Et si c’était à refaire, je choisirais encore ce métier. Et j’y crois encore un peu. Troisième groupe. Ça, c’est encore une autre histoire. D’autres larmes. Mais tant pis.
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